L’Esprit et la Liberté

Nous vivons dans un monde épris de liberté et le débat sur les « libertés » est de plus en plus à l’ordre du jour. Dans ce contexte, l’Église fait souvent figure de structure aliénante, par son dogmatisme et par son moralisme. Les croyants eux-mêmes revendiquent de plus en plus l’autonomie de leurs  décisions en ce qui concerne leurs conduites collectives ou personnelles.

Une théologie de l’Esprit peut nous éclairer.

L’Esprit est l’Esprit du Fils qui « a été crucifié sous Ponce-Pilate, a souffert sa passion et fut mis au tombeau ». Autrement dit, l’Esprit est l’Esprit du « serviteur ». Comme le Christ, c’est sur le mode du Serviteur qu’il exerce sa Seigneurie, en suscitant la liberté de l’homme et sa responsabilité créatrice.

Le Dieu-Esprit, loin d’être le concurrent de l’homme, est au contraire le promoteur de sa liberté dans la gratuité absolue de l’amour.

N’est-ce pas ce que le Christ lui-même a souligné en parlant de l’œuvre de l’Esprit (Jean, 16, 5-16) : « C’est votre avantage que je m’en aille ; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous. » Et : « celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais ; il en fera même de plus grandes parce que je vais au Père, et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai » (Jean, 14, 12-13). En retournant au Père, Jésus nous rend libres par le don de son Esprit, il ouvre à notre responsabilité – « jusqu’à ce qu’il vienne », et pour qu’il vienne – le chantier de l’histoire.

L’Esprit agit à travers nos libertés personnelles. Il révèle la faiblesse paradoxale du Dieu vivant, qui n’est pas toute puissance extérieure et contraignante, mais Esprit (Jean, 4, 4-24).

Dieu attend la libre réponse de l’homme, c’est comme s’il se retirait, s’effaçait et se taisait pour laisser à l’homme l’espace de sa liberté. Dieu-Amour entre en dialogue avec les hommes, il entre dans une histoire tragique où il se fait infiniment vulnérable. La véritable toute-puissance de Dieu se révèle en définitive sur la Croix où l’Amour et l’Esprit envahissent tout, même la mort, car la « volonté » de Dieu, c’est que l’homme soit aimé, et qu’en chacun de nous l’arbitraire du « Tout-Puissant » fasse place à la vulnérabilité du « Tout-Aimant ». Et qui donc, plus que Jésus, serait vulnérable dans ses rencontres avec les hommes ?

La dialectique de la liberté, dans l’Esprit, s’exprime avec une force incomparable dans les épîtres de Paul et surtout dans les chapitres 7 et 8 de l’Epître aux Romains : Paul oppose la chair et l’esprit, non pas selon un dualisme spiritualiste, mais comme l’antithèse de la mort et  de la vie.

Où cette antithèse nous appelle-t-elle aujourd’hui à jeter nos vies ?

Dans la revue Jésus, Pâques 1978.